jeudi 22 juillet 2010

Les expressions du potager : " Ne plus avoir un radis "



Lorsqu'au XVIème siècle l'esprit d'aventure poussa des hordes de marins à éprouver l'inefficacité de leurs boussoles, les jeunes mousses, peu enclins à la béate admiration qui aurait dû accompagner l'exploration de nouveaux horizons, tuaient le temps comme ils pouvaient lors des traversées interminables.

L'un d'entre eux, Titi, un jeune Corse, s'était fait fort de tirer profit des piètres conditions d'hygiène dans lesquelles vivait l'équipage du vaisseau. Alors qu'il aurait pu vouer son temps libre à de saines occupations comme l'apprentissage de la lecture, ou la sculpture au couteau de figurines hindoues dans des morceaux d'épave, il occupait ses heures d'ennui à attraper les rats. Lui qu'on disait rapide comme un lièvre était également doté d'un esprit roublard, tel qu'un colporteur itinérant en lotions capillaires en aurait rougi de jalousie.

En un tour de passe-passe et quelques messes basses avec le cuistot du navire, il parvint à monter une cabale astucieuse qui consistait à transformer la viande de rat en de jolis saucissons, et les revendre à l'équipage sous le manteau en la faisant passer pour de la viande de cochon sauvage - en provenance directe de sa Corse natale, évidemment.

Mais au fil du temps et des expéditions, les réserves naturelles s'épuisaient et les pauvres rats, chassés comme des bêtes sauvages (qu'ils étaient au demeurant), finissaient immanquablement par disparaître du navire. En ces temps de disette, les recettes se faisaient alors plus rares, et le cuistot, lorsqu'il retrouvait son compère, le soir, dans quelque coin isolé du navire, lui posait toujours la même question :

« Alors, dis, t'as pas à un rat à me filer, dis? »

Question qui appelait immanquablement la même réponse :

« non, j'ai plus plus un rat, dis. » *



* Il convient de préciser qu'il existait à l'époque un tic de langage bien connu des linguistes et autres didactitiens du langage, mais que les lecteurs peu crédules et qui n'ont souvent pas la chance de bénéficier du degré minimum d'instruction ne connaissent pas : de même que la jeunesse actuelle, dans son entreprise collective de dénaturation de la langue, ponctue chaque fin de phrase d'un « quoi » disgracieux et inapproprié, le tic en usage chez le petit peuple au XVIème siècle était d'employer le « dis » à tort et à travers. Ce qui explique tout. Si si.


Et c'est toujours signé Grégoire !

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